Le terme de « ville intelligente » existe depuis une dizaine d’années. Il s’inscrit dans la même dynamique que le terme « ville durable ». Il intègre une nouvelle dimension liée à l’impact de la transition numérique sur les villes et les territoires. Dans ce contexte, la smart city collecte des données sur les habitants dans l’objectif d’améliorer sa qualité de vie. La gestion des données personnelles constitue alors un véritable enjeu stratégique pour la démocratie locale, la gestion du territoire et le développement économique.
Un nouveau mode de gouvernance
La population urbaine ne cesse de croître. Par conséquent, la ville intelligente souhaite répondre à de nombreuses préoccupations : la gestion de la mobilité urbaine, la demande énergétique mais également le maintien de la sécurité des habitants. Pour autant, l’absence de cadre juridique est bel et bien au cœur des enjeux de la Smart City.
Porteuses d’espoirs en utilisant les technologies de l’information et de la communication pour améliorer la gestion et le développement des espaces urbains, les villes intelligentes arborent un nouveau mode de gouvernance. L’objectif ? Un meilleur cadre de vie, une meilleure gestion des flux de population, des transports plus performants, une gestion accrue des déchets (poubelles et borne de tri connectées) ou encore des éclairages publics intelligents.
Une précieuse source d’information
Qu’elles soient privées ou publiques, les données collectées s’avèrent stratégiques pour la prise de décision. Elles peuvent aussi représenter une ressource de développement socio-économique du territoire par la création de nouveaux services. La gestion des données relève alors d’une mission d’intérêt général, appelée « service public de la donnée » ou « régie locale de données ». Ces missions favorisent le partage et la réutilisation des données. Elles réunissent données privées et données publiques au sein de « plateformes de données territoriales ». Appelées également « entrepôts de données » ou « lac de données », c’est par leurs croisements avec différentes sources et l’utilisation de technique d’analyse de données massives (big data) qu’une valeur nouvelle peut être extraite de ces données.
Des algorithmes pas nécessairement transparents
Les exploitations des données au sein des villes intelligentes sont régies par des algorithmes. Et ces algorithmes peuvent conduire à des décisions concernant les administrés (attributions d’aides, de places en crèche, régulation des flux de population durant la crise sanitaire COVID-19 etc…), or, leur utilisation n’est pas toujours transparente. L’on peut également se poser la question de leur supervision par une personne physique, de leur degré d’autonomie quant à la décision, de leur équité, et de leur soumission à un contrôle démocratique. Comment protéger les libertés individuelles des habitants dans ces conditions ? Le RGPD, source de progrès, a davantage responsabilisé les collectivités et les différents acteurs traitant des données personnelles (notamment en cas de traitements par le biais d’algorithmes), et le projet de Règlement Européen sur l’Intelligence Artificielle va venir encadrer plus spécifiquement les usages des algorithmes.
De nombreux acteurs en jeu
La multitude d’acteurs en jeu pose des problématiques notamment juridiques. Au niveau du droit des données personnelles, la dimension individuelle des habitants jouxte la dimension collective. Ces enjeux ne sont pas sans rappeler les questions posées dans les domaines tels que l’internet des objets, le Big Data ou encore le Cloud Computing.
L’interconnexion automatique des fichiers de données remet en cause des principes protecteurs des données personnelles. La crainte de la surveillance de masse est accrue. Les villes intelligentes sont capables de tisser un immense réseau social des données à l’échelle d’une ville remettant nécessairement en question la protection des données personnelles. Les données de géolocalisation vont permettre d’affiner les profils des habitants et leurs habitudes de déplacement, de consommation et de comportement dans l’espace urbain. Le croisement avec des données issues des réseaux sociaux sera utile. Elles permettront également de mieux connaître ses relations sociales.
Des inquiétudes sur le traitement des données collectées
Les droits des personnes dont les données sont collectées semblent menacés. Le respect du droit à l’information, au consentement préalable, des droits d’accès et de rectification, ainsi que du droit d’opposition ou du droit de ne pas faire l’objet d’une décision automatisée sont-ils compatibles avec les Smart Cities ? Ils doivent être mis en œuvre et préservés par les collectivités aux vues des enjeux.
La sécurisation des fichiers semble aussi remis mise en cause. Le RGPD prévoit de « nouvelles » obligations à l’égard des responsables de traitements qui seraient particulièrement adaptées pour le développement des Smart Cities : les principes dits de « Privacy by Design » et « Privacy by Default ».